Ecrit par Raymond Proner le
Paysages grandioses.
Dans la fraîcheur de l’été au sud-est du golf d’Alaska, en ce mois de juillet 2019, dos au Pacifique Jade, magnifique trawler s’engage dans un passage étroit qui donne accès à une immense baie aux paysages grandioses : Lituya Bay. A gauche, en entrant dans la passe, un amoncellement d’énormes rochers forme une longue digue naturelle, c’est une moraine poussée là il y a une quinzaine de milliers d’années par un glacier et qui porte un nom français : « la chaussée ». Sur la droite, à quelques dizaines de mètres, perchés sur un gros rocher noir détaché du rivage, des lions de mer nous observent intrigués par notre arrivée.
Ce rocher délimite la bordure sud de la passe, à tribord en entrant.
Nous sommes à marée étale, ce n’est pas un hasard. Il y a 233 ans exactement, à l’endroit précis où nous sommes, l’expédition La Pérouse connaissait sa première tragédie.
La passe de Lituya Bay vue d’avion. (photo Yves Bourgeois)
La passe franchie, nous découvrons un peu plus loin sur notre droite une baie logée dans un renfoncement de la côte rocheuse couverte par une dense forêt de sapins d’où émergent de temps à autres de gros ours bruns en quête de nourriture. Nous y jetons l’ancre.
L’âme de La Pérouse et de ses compagnons ne va plus nous quitter de tout notre séjour en ces lieux.
Spectacle à Lituya Bay : Ours Grizzly.
2018
En fait, Jade est déjà venue à Lituya Bay il y a un an avec le même équipage. Tombé sous le charme, Joël, le propriétaire en est lui à son quatrième passage dans cette baie. C’est un actif adepte des travaux de l’Association Salomon* dont la secrétaire, le vice-président et le président sont à bord. En juillet 2018 nous avions déjà tous l’ardent désir de nous imprégner de la magie de ces lieux. Pleins d’émotion, avec la naïve impression que peu de choses avaient changé depuis plus de deux siècles, nous débarquons sur l’île, absorbés par le profond désir de trouver des traces du passage du navigateur.
La Pérouse dans l’histoire
Le 3 juillet 1786 tôt le matin, profitant d’un vent favorable et d'un courant rentrant, les deux frégates de La Pérouse franchissent la passe et prennent leur premier mouillage à l’entrée de la baie. Le fond s’avère de mauvaise tenue. Très vite, avec les forts courants créés par la marée et un coup de vent d’ouest-nord-ouest qui pousse à terre, les deux navires sont en difficulté. Trop près de la côte, La Boussole talonne légèrement heureusement sans dommages.
Comme La Pérouse le notera dans son livre de bord : «…depuis trente ans que je navigue je n’avois jamais vû deux vaisseaux aussi prèz de se perdre… ».
Puis le vent tombe et le courant est à nouveau favorable. Les deux bâtiments, aidés de toutes leurs embarcations, changent de mouillage et jettent l’ancre à l’abri de la seule île de la baie que La Pérouse baptisera quelques jours plus tard, Île du Cénotaphe. Rapidement la vie s’organise avec les habitants de la baie. De nombreuses pirogues conduites par des indiens Tlingits viennent le long du bord. Le saumon, poisson abondant à cette période de l’année, est à la base des premiers échanges. La Pérouse qui a constaté l’abondance de loutres pendant sa navigation le long des côtes de l’Alaska, achète de nombreuses peaux de cet animal, recherché pour sa fourrure. Les objets de troc sont variés et les scientifiques de l’expédition enrichissent leurs collections.
Ces objets Tlingits ont été remontés des épaves de La Boussole et de l’Astrolabe
à Vanikoro et proviennent exclusivement de Lituya Bay. Troublant destin. (Drassm/ Photo Frédéric Osada)
L’imaginaire
Comme l’avaient déjà fait en 2003 une équipe menée par Alain Conan président fondateur de l’Association Salomon*1 accompagnée de rangers et d’archéologues, nous mettons pied à terre sur l’Île du Cénotaphe.
Dès nos premiers pas sur l’île, nous imaginons avec une étrange réalité les officiers en uniformes colorés, coiffés de tricornes, veillant sur les astronomes Lepaute Dagelet et De Monneron. Ils sont absorbés par leurs calculs à l’abri de la toile de l’observatoire qui vient d’être installée au nord de l’île. Ils pourront ainsi suivre le mouvement des astres nécessaire au calcul du temps, permettant de connaitre précisément la longitude du lieu.
Type d’observatoire installé sur l’Île du Cénotaphe par les astronomes de l’expédition.
Plus loin, l’abbé Mongès, homme d’église mais aussi minéralogiste, tente d’extraire les nombreux fossiles et grenats incrustés dans les gros rochers bordant le rivage. Assis sur un promontoire, Duché de Vancy, dessinateur paysagiste de l’expédition, s’applique à coucher sur le papier les deux frégates au mouillage et les pirogues qui les entourent sans oublier d’y faire apparaitre les blocs de glace qui dérivent, fixant l’ambiance de l’instant d’un adroit trait de crayon. Des coups de haches parviennent en échos de la forêt de sapins toute proche où les marins font provision de bois de chauffage et choisissent les meilleurs troncs de résineux pour y tailler des pièces de rechange pour les gréements.
Intensément absorbés par ces lieux chargés d’histoire, la vision de JADE au mouillage en passant la pointe de l’île, nous ramène à la réalité du présent.
JADE au mouillage de l’Île du Cénotaphe
La Boussole et l’Astrolabe au mouillage dans Lituya Bay (Dessin de Blondela 1786).
La vie à bord
Le pont des frégates est un lieu prisé par les indigènes qui s’enhardissent. Les chapardages sont nombreux et La Pérouse bon enfant n’en prend pas trop ombrage. Le vol d’une arme à feu décide cependant les français à s’établir uniquement sur l’île qu’ils achètent à celui qui semble être le chef, sans trop se faire d’illusion sur la validité de cette transaction. Une bouteille contenant l’acte d’achat et une médaille à l’effigie de Louis XVI est enterrée au nord de l’île « au pied d’un gros rocher ».
Médaille à l’effigie de Louis XVI et de Marie Antoinette distribuée par La Pérouse à chaque escale.
Celle-ci a été trouvée sur l’épave de La Boussole à Vanikoro (Ass. Salomon/photo Pierrot Larue)
Les scientifiques, chacun dans leur domaine, explorent la baie. Les géographes De Monneron et Bernizet font les relevés cartographiques des lieux. Les hauts sommets enneigés et les glaciers qui dominent majestueusement la baie, sont baptisés avec des noms de marins et de scientifiques de l’expédition ainsi que ceux de personnages importants de la cour de Versailles : Monts Crillon, La Pérouse, De Langle, Dagelet. Les cartes modernes portent toujours ces noms de baptême.
Afin de mieux comprendre la géographie des lieux, La Pérouse envoie une équipe explorer le fond de la baie et escalader un des trois principaux glaciers qui y aboutissent afin d’essayer d’atteindre un sommet et de ce point dominant, regarder si une vallée fluviale venant de l’intérieur des terres donne accès à la région des grands lacs du Canada. C’est une zone de rivalité entre l’Angleterre et la France. En 1782 La Pérouse lui-même y a combattu « l’anglais » avec succès dans la Baie d’Hudson qui se trouve plus à l’est.
Epuisée par la dangereuse escalade d’un glacier, l’équipe devra vite renoncer à cette mission impossible.
Le fond de la baie où aboutissent les glaciers, vue prise depuis le rivage nord-est de l’île du Cénotaphe.
Pendant son séjour il nomme la baie Port des Français.
L’hydrographie des lieux est une priorité pour La Pérouse suivant les instructions de Louis XVI. Il voit dans cette magnifique baie abritée, la possibilité d’un avenir commercial important pour la France, notamment en ce qui concerne les peaux de loutres.
Le drame
Le 13 Juillet 1786, il donne ses instructions par écrit aux officiers désignés pour faire l’hydrographie complète de la passe. Il insiste auprès de leur chef M. D’Escures, sur le fait que le mascaret est particulièrement dangereux et que les travaux ne doivent être effectués qu’à l’étale de marée. Tôt le matin, trois embarcations quittent le bord et se dirigent vers la passe qui se trouve à plus de trois miles. En fin de matinée une seule reviendra conduite par M. Boutin, rapportant la terrible nouvelle.
Vingt et un marins, officiers et matelots, se sont noyés quand leurs deux biscayennes ont chaviré, prises dans un violent mascaret.
Il n’y a pas de survivant et aucun corps ni débris n’est retrouvé par les équipages des deux frégates La Boussole et L’Astrolabe malgré leurs actives recherches.*2
Peinture de Louis-Philippe Crépin représentant le naufrage des deux biscayennes dans la passe de Lituya Bay.
Fin juillet 1786, au sud-ouest de l’île, un Cénotaphe a été érigé à la mémoire des 21 marins disparus et une bouteille y a été enterrée portant la liste de leurs noms. Monsieur de Lamanon, physicien de l’expédition a fait écrire ces mots : « A l’entrée du port ont péri vingt et un braves marins ; qui que vous soyez mêlez vos larmes aux nôtres ». L’île est alors baptisée du nom du monument dédié à la mémoire des disparus, l’Île du Cénotaphe.
Jim Huscroft
Septembre 2018, nous ne trouvons aucune trace, aucun amas de cailloux provenant de ce cénotaphe qui pourtant avait été érigé pour durer. Dans nos recherches, la surprise vient avec la découverte d’une plaque en bronze, solidement vissée sur le plus gros rocher à l’ouest de l’île. Elle porte ces mots : « Near this spot Jim Huscroft, alaskan pioneer and frontiersman made his home for twenty-two years his kindness and generosity endeared him to all those whose work or travels brought them to this beautiful bay. This tablet is placed here in his memory »
Perplexes, nous découvrons, ignorants que nous sommes du passé de ces lieux depuis La Pérouse, que l’Île du Cénotaphe a été habitée pendant 22 ans! Lituya Bay, malgré ses apparences, n’a pas uniquement abrité les tribus nomades Tlingits en été à la saison de la pêche au saumon.
Plaque en bronze découverte à l’ouest de l’île du Cénotaphe.
Une nouvelle piste s’ouvre à nous : Jim Huscroft. Cet homme ne devait pas être ordinaire pour avoir son nom gravé en relief dans le bronze. Internet nous permit plus tard de retrouver sa trace et son histoire dans un livre étonnant et remarquablement documenté : « Land of OCEAN MISTS » de Francis E. Caldwell.
Un an plus tard, en ce mois de juillet 2019, après s’être imprégnés des chapitres de cet ouvrage, notre approche du lieu a bien changé. En entrant dans Lituya Bay, notre regard sur cette magnifique baie n’est déjà plus le même….
La vie dans la baie depuis le passage de La Pérouse
Au début du vingtième siècle, jusqu’à 300 personnes ont vécu en même temps dans ce rude environnement, souvent à la recherche d’or. La Russie ayant vendue l’Alaska aux USA en 1867, aventuriers, trappeurs, chercheurs d’or, alpinistes, vulcanologues, pêcheurs et autres voyageurs ont tour à tour exploré tous les environs.
Une camionnette FORD T y a même été débarquée en 1933. Destinée à circuler sur une piste grossière qui suivait le rivage depuis le sud de la baie jusqu’au glacier La Pérouse situé à une quinzaine de miles plus au sud. Elle a servi à ramener dans sa benne le sable du rivage à l’aspect rougeâtre dû à la poudre de grenat dont il est en partie formé et censé contenir des paillettes d’or… Le châssis du véhicule n’y résista pas. Démontés, le moteur et des éléments de la transmission seront utilisés pour entrainer une pompe à eau, outil indispensable dans la recherche du précieux métal.
C’est en 1917 que Jim Huscroft fréquente pour la première fois Lituya Bay. Après avoir vécu dans le village indien à l’entrée de la baie, il construit vers 1920 une première cabane au nord de l’Île du Cénotaphe, puis plus tard une autre située à l’ouest de l’île, devenant ainsi le premier habitant européen de la région.
L’Île du Cénotaphe vue de l’ouest de la baie.
Il construit son habitation définitive sur un promontoire faisant face à l’entrée de la baie autour de laquelle il cultive un jardin potager dont il partagera les produits avec les aventuriers. Son hospitalité et sa personnalité sont vite appréciées. La cabane est agrandie et devient le passage obligé pour les visiteurs de Lituya Bay. La construction prend le sobriquet d’Hôtel Huscroft. Le maître des lieux tombe sous le charme d’un malicieux renard argenté nommé :Tuffy.
Renard argenté, fréquent en Alaska (photo Véronique Proner).
La recherche d’or ne semblant pas lucrative, il entreprend un élevage de renards dont les peaux sont recherchées dans les années mille neuf cent trente.
Les activités des membres de l’expédition La Pérouse dans cette baie et particulièrement sur l’Île du cénotaphe cent cinquante ans plus tôt étaient connues de Jim. Malgré ses recherches, il ne trouva aucune trace ou relique du navigateur et mit cela sur le compte des Russes. *3
La Présence Russe
En juin 1788, alors que l’expédition La Pérouse agonisait sur l’île de Vanikoro, le capitaine Izmailov à bord du Trois Saints prit possession de la baie au nom de la Grande Catherine de Russie dont les ordres étaient d’étendre et d’affirmer l’autorité de la cour de Russie en Alaska et par là même d’effacer toutes traces d’une éventuelle concurrence étrangère.
Galiote ressemblant au navire d’Izmailov.
Le Cénotaphe a probablement été démoli à ce moment-là, la bouteille avec son message à la mémoire des disparus et la médaille de Louis XVI enfouies sous le monument, probablement récupérées ainsi que l’autre bouteille contenant l’acte d’achat de l’île par La Pérouse au nom du Roi de France. Sans doute ramenées en Russie à bord du Trois Saints, que sont devenues ces reliques ?
Tsunamis ou monstre Kah Lituya
En observant le dessin que fit Duché de Vancy en juillet 1786, on remarque en hauteur sur les reliefs, une ligne horizontale délimitant falaise et forêt. Ce détail, noté il y a plus de deux siècles est intéressant, il illustre bien l’activité géologique de cette zone. En effet, la faille nommée Fairweather Fault, cause de fréquents tremblements de terre. Elle se situe au fond de la baie où se déversent les cinq glaciers. Ces secousses déclenchent d’énormes glissements de terrain entraînant roches et glaces dans les eaux profondes de la baie et provoquent des tsunamis dévastateurs.
Dessin de Duché de Vancy (1786). On it au mouillage de l’Île du Cénotaphe La Boussole et l’Astrolabe (à droite avec son moulin).
Canoés Tlingits et glaces dérivantes sont bien visibles.
Au fond, les glaciers qui se déversent dans le fiord. Les falaises à gauche et à droite ont sans doute été décapées par des tsunamis.
La Pérouse décrit dans son livre de bord qu’au cours d’une reconnaissance en ces lieux, il faillit être la victime de l’instabilité du décor. Un de ses canots se retourna sans faire de victimes, pris dans les violents remous créés par le détachement et la chute d’un pan de glacier.
Un chapitre du livre de Francis E. Caldwell fait état de la dangerosité d’un séjour prolongé dans ces lieux dû au risque élevé d’y subir un Tsunami. Nous le savions en entrant dans la baie, et cela revenait souvent dans nos discussions.
C’est sans doute la raison pour laquelle les Tlingits avaient donné à cette baie le nom d’un monstre « KAH LITUYA ». Ils ne l’a fréquentaient qu’à la saison de la pêche aux saumons, les villages installés par leurs anciens dans cette baie avaient été tour à tour détruits par différents raz de marée.
Le 27 octobre 1936 Jim Huscroft est le témoin et la victime d’un tsunami. Entendant le grondement provoqué par une énorme vague provenant du fond de la baie, il a tout juste le temps de trouver refuge sur une hauteur de l’île avec son ami Ernie Rogan. Ses constructions sont très endommagées, son jardin potager et son élevage de renards emportés. Jim Huscroft en est très affecté. En 1939, malade et déprimé il accepte à regret la proposition d’un de ses amis de le ramener à Juneau pour y être soigné. Il embarque sur son bateau portant le nom symbolique de Cenotaph. Jim Huscroft décède à bord, au cours de ce voyage âgé de 67 ans.
Plus récemment, le 8 juillet 1958, un fort tremblement de terre de magnitude 8,3 sur l’échelle de Richter, déclenche l’effondrement d’un pan de montagne dans la partie nord du fond de Lituya Bay. L’énorme déplacement d’eau créé par cette chute engendre une vague qui monte à 524 mètres sur le versant de la montagne située de l’autre côté du fiord. La déforestation est le marqueur indiscutable de cet événement unique au monde. La physionomie de la baie est transformée, des centaines de milliers d’arbres arrachés. En 2019, nous avons pu observer leurs troncs toujours échoués sur tous les rivages de la baie, souvent orientés dans la même direction.
En bleu turquoise les parties dévastées par la vague. Les hauteurs sont en pieds (1 pied=30,48 cm).
Vue depuis le nord-est de l’île du Cénotaphe. Les arbres couchés au premier plan doivent l’être depuis 1958.
Le tsunami engendré par l’onde de cette gigantesque vague s’est répercuté dans toute la baie. Sur l’Île du Cénotaphe, l’eau est montée à 48 mètres de hauteur sur la face est de l’île et 12 mètres à l’ouest. Elle a creusé un chenal en son milieu qui a presque coupé l’île en deux. Les constructions de Jim Huscroft, déjà bien endommagées en 1936 ont dû disparaître à ce moment-là.
Relevés, en pieds, des hauteurs d’eau atteintes sur l’île après le tsunami de 1958.
L’habitation (cabin) de Jim Huscroft y est localisée.
A la place probable de l’habitation nous n’avons retrouvé en 2019 qu’un amas de pierres qui pourrait correspondre aux soubassements de ses constructions. Ces tsunamis répétitifs ont profondément transformé le relief et la géographie de la baie.
L’espoir qui nous tenait de trouver le message dans sa bouteille, la médaille de Louis XVI ou toute autre relique datant du passage de l’expédition française, nous semble à présent bien futile.
Remarquable carte levée par l’expédition La Pérouse en juillet 1786 (Atlas du voyage de La Pérouse).
La superposition de l’image radar (le violet fait apparaître tout ce qui dépasse de l’eau)
sur la carte électronique montre bien l’obsolescence de cette dernière (photo Joël Marc).
Nous faisons une autre constatation, le fond de la baie décrit comme profond par La Pérouse et que l’hydrographie des cartes récentes confirme, est maintenant comblé de terre et de roches par les effondrements successifs des reliefs qui l’entoure. Il y est impossible d’y naviguer, comme on pourrait le croire en se fiant aux documents nautiques actuels, cartes électroniques comprises. Il est probable qu’un nouveau glissement de terrain ne pourra pas engendrer un tsunami, la masse d’eau déplacée étant insuffisante.
Peut-on penser que le « monstre KAH LITUYA» ne se réveillera plus ?
En quittant ces magnifiques paysages maintenant vierges de présence humaine et en franchissant la passe, nous jetons symboliquement dans le sillage de Jade un bouquet de fleurs récoltées sur le rivage. Notre pensée et notre vision sur cette baie sont différentes. Son histoire, que nous connaissons maintenant un peu mieux, lui donne un relief sur lequel nos regards chargés d’émotions se posent.
La Pérouse a écrit dans son livre de bord à propos de Lituya Bay : « sans doute la plus belle baie au monde ».
Un dernier hommage en quittant la baie (Photo Joël Marc).
*1- L’Association Salomon, fondée en 1981 par Alain Conan (disparu en mer en mars 2017) et ses amis, a pour but de tenter d’élucider le « mystère La Pérouse » Huit campagnes de fouilles ont été organisées et un Musée Maritime créé pour y exposer l’extraordinaire collection d’objets remontés des épaves.
**2- Le 22 juillet 1786, les Tlingits apportèrent à bord des frégates quelques restes provenant des biscayennes disparues, expliquant qu’ils les avaient trouvé échoués sur le rivage au sud de l’entrée de la baie. Une équipe fut envoyée dans la zone indiquée, guidée par quelques indiens, c’était en fait un traquenard. Les français durent faire demi-tour et les recherches furent abandonnées. Il est fort probable que les Tlingits dont La Pérouse fait une description peu flatteuse « …et chaque jour nous avions à nous en plaindre…leur civilisation pour le vol, et les fourberies, est aussi avancée que celle des renards » aient récupéré plus que des restes. Les chaloupes devaient être entières avec leur armement et sans doute des corps sur le rivage. Deux ans plus tard, en 1788, dans leur navigation entre Yakutat et Lituya Bay à bord du Trois Saints, les russes Izmailov et Bocharov notent dans leur livre de bord que certains Tlingits embarqués sur un grand canoë (Baïdara) portent des vêtements européens « de fins lainages de couleur verte et des broderies multicolores »
Extrait du journal de bord d’Izmailov en1788
(ouvrage Under mont saint Elias – Frederica de Laguna – Smithonian Institution Wa. USA)
Le pierrier fabriqué à Rochefort en 1762 dont a hérité une américaine de descendance Tlingit vivant aux USA au nord de Seattle, provient probablement d’une des deux biscayennes.
***3- Les hommages et les recherches officielles de vestiges sur l’île du Cénotaphe ont été nombreux. Juillet 1979, une équipe venant de Juneau dépose une première plaque qui se désagrège et en 1985, la même équipe redépose une plaque en bronze qui sera démontée… Entre temps, en aout 1982, une équipe du National Park Service trouve une pierre plate de grandes dimensions au sommet de l’île et pense avoir découvert l’emplacement du Cénotaphe. Après analyse scientifique, cette pierre s’avère être de formes naturelles. En 1995, 2003, 2005, 2006 et 2007 d’autres recherches encadrées par les services du Park National restent vaines.