Escale Lapérouse, des mondes à explorer


maire d'albi

Madame le maire d’Albi, Stéphanie Guiraud-Chaumeil et son équipe concrétisent un ambitieux projet d’un espace muséal « Escale Lapérouse, des mondes à explorer » destiné à rendre hommage à l’enfant du pays, Jean-François Galaup de Lapérouse. Son organisation sera développée sur le site de l’ancienne Trésorerie Générale, acquis à cet effet par la Ville en 2022.

Situé au cœur du quartier culturel des Cordeliers, le futur équipement qui se déploiera sur une surface totale utile d’environ 2200 m², intégrera des espaces d’accueil (espace de réception, boutique), un parcours de visite scénographié comportant des collections et des dispositifs de médiation, un espace d’expositions temporaires, un espace dédié aux ateliers pédagogiques, une salle de conférence en capacité d’accueillir une centaine de personnes, des espaces de travail pour l’administration, des espaces techniques et plusieurs espaces extérieurs végétalisés, dont certains seront intégrés au parcours de découverte.  Le projet a vu le jour en 2021 et se développe. Les travaux devraient commencer courant 2025 et se terminer en 2029.  Albi et Lapérouse, une histoire de mémoire et de respect.

Pour mieux cerner le projet, un court résumé historique du parcours de ce marin exceptionnel s’impose.

C’est en 1741, au Siècle des Lumières, que Lapérouse naquit à Albi. Qui pouvait imaginer que cet homme né dans les terres deviendrait un des plus célèbres marins français. Il rentre aux Gardes de la Marine à 15 ans. Il prend rapidement du grade. En mai 1782,  il combat et défait l’ « Anglais » dans la baie d’Hudson pendant la guerre d’indépendance américaine. Devenu Capitaine de vaisseau, il acquiert la réputation d’un marin habile, loyal et humain, qui força le respect de ses adversaires d’Outre-Manche. 

En 1785 le Maréchal de Castries, secrétaire d’état à la Marine, le propose au Roi Louis XVI pour commander une expédition  scientifique et humanitaire autour du monde, dont rêve ce dernier. Il voulait combler le retard qu’avait pris la France  derrière l’Angleterre, suite aux extraordinaires navigations et découvertes de Cook.

Les instructions du Roi étaient : «…un tour du monde à des fins géographiques, scientifiques, politiques et commerciales….surveiller les activités britanniques et espagnoles. Augmenter les connaissances géographiques, faire l’inventaire des richesses de la flore et de la faune des contrées visitées...il devra se concilier l’amitié des principaux chefs et n’usera de la force qu’avec la plus grande modération.. »

Les deux navires de l’expédition, la Boussole et l’Astrolabe, quittent Brest le 1er août 1785. Deux cent vingt marins et savants sont à bord. Sur la route du retour, presque trois ans  plus tard l’aventure se terminera tragiquement, sur les récifs de Vanikoro dans l’archipel des îles Salomon.

La première année de navigation fut « heureuse » et les travaux des cartographes, astronomes et autres savants, sont couronnés de succès.  Jusqu’au 13 juillet 1786, lorsqu’un funeste destin frappa une première fois l’expédition, vingt et un marins périrent noyés en faisant l’hydrographie de la passe de Lituya Bay en Alaska. Malgré tout, cartographie et travaux scientifiques se poursuivirent de manière performante à travers le Pacifique, surmontant les écarts de climats et de températures qui étaient une des épreuves de cette navigation. Le malheur frappa une seconde fois aux îles Samoa le 11 décembre 1787. Douze marins et savants périrent sans raisons sous les coups des iliens de Tutuila. Parmi les hommes massacrés, Fleuriot de Langle, commandant de l’Astrolabe et ami intime de Lapérouse.  Durement touchée par ce drame, l’expédition n’en continua pas moins ses travaux. À l’escale de Botany Bay en Australie, le 26 janvier 1788, les deux frégates eurent la grande surprise de trouver l’escadre du Comodor Philip au mouillage. Cette flotte anglaise de quatorze navires, arrivée là quelques jours plus tôt, amenait en Australie les premiers convicts et marquait le début de la colonisation. Les relations avec les Anglais furent excellentes durant tout le séjour. Contrairement à ce que certains disent, aucune prise de possession n’était envisagée par la France. Dans ce havre de paix, les équipages se refirent une santé et retrouvèrent le moral après le drame de Tutuila. Réparations, construction d’embarcations,  entretien des vaisseaux, vivres frais, pleins d’eau douce et de bois occupèrent les Français un mois et demi. 

Le Père Receveur, gravement blessé aux Samoa, décéda durant cette escale et fut enterré au nord de la baie. Sa tombe existe toujours et est entretenue avec soin. En fin de séjour, Lapérouse confia au Comodor Philip la suite des travaux de l’expédition ainsi que son journal de bord. Ce dernier mit un point d’honneur à faire parvenir les précieux documents à Versailles. La Boussole et l’Astrolabe mirent sous voiles le 10 mars 1788, en route vers un destin qui frappa une dernière fois l’expédition sur les récifs de Vanikoro. Marins et savants  disparurent sur cette île au cours d’un cyclone, sans doute en mai 1788. 

Ce n’est que 40 ans plus tard qu’un marin aventurier anglais, Peter Dillon, découvre le lieu des naufrages.

Pourtant, et on peut dire heureusement, grâce aux courriers et documents échangés avec Versailles lors des escales majeures : Conception au Chili, Macao, Manille, Petropavlovsk et enfin Botany Bay, que le livre de bord de Lapérouse nous est parvenu. Il est le rapport très détaillé de l’expédition. Il deviendra « Le voyage de Lapérouse » publié en 1797, revu et politiquement adapté aux exigences de la Révolution par le général Milet-Mureau.  C’est en fait sous le nom de ce dernier que ce document est le plus connu. Tous rapports à la monarchie y seront occultés, mais l’histoire elle-même reste fidèle. Certains documents nous sont également parvenus, mais seulement ceux dont les auteurs avaient accepté de se séparer aux escales. Les autres scientifiques, préférant attendre leur retour pour divulguer les résultats de leurs recherches, ont malheureusement disparu à tout jamais avec leurs travaux.

C’est en 2021 que l’équipe de la Mairie d’Albi remet à l’honneur son héros. La première opération d’envergure consiste à restaurer la statue en bronze du marin érigée en 1853 sur la place qui porte son nom. C’est l’entreprise A-Corros qui aura la charge du chantier.

Statue de Lapérouse

 

La même année la Ville lance une deuxième opération : la réalisation d’un équipement culturel dédié au navigateur Lapérouse et à son expédition, sur le site de l’ancienne trésorerie générale (https://albi.fr/grands-projets/projet-escale-laperouse). Afin d’accompagner spécifiquement l’élaboration du parcours de visite permanent, la Ville d’Albi a tenu à instaurer un conseil scientifique, présidé par le directeur du musée national de la Marine, partenaire du projet depuis 2021, et au sein duquel l’Association Salomon est aussi représentée. La Ville d’Albi vient également de conclure une convention de partenariat avec le Musée Maritime de Nouvelle-Calédonie, dépositaire de la plus grande collection d’objets ramenés de Vanikoro par l’Association Salomon organisatrice de huit expéditions sur les épaves de la Boussole et l’Astrolabe et à terre, sous l’égide du regretté Alain Conan, disparu en mer le 6 mars 2017.

Le projet a pour fil conducteur huit valeurs qui caractérisent l’expédition voulue par le Roi Louis XVI : universalité, paix, humanisme, ouverture, audace, innovation, intégrité, excellence. Une synthèse de l’intelligence humaine en quelque sorte. C’est dans un parcours permanent que ces valeurs universelles seront développées. 

Une autre originalité de ce projet tient dans le développement du parcours permanent de visite qui sera ponctué par quelques objets de collections et comportera un certain nombre de dispositifs de médiation (audiovisuels, maquettes, manipulations etc.). À l’issue d’une procédure de concours longue et rigoureuse, encadrée par le code de la commande publique, le marché de maîtrise d’œuvre intégrant des compétences diverses (architecturale, scénographique, paysagère, technique..), a été attribué au groupement représenté par un mandataire : le cabinet « Projectiles» (architecte et scénographe)  pour concevoir le futur équipement dédié à Lapérouse. Le projet architectural consiste à adosser à la maison bourgeoise XIXe de l’ancienne trésorerie générale, un « archipel urbain », composé de quatre édifices contemporains, subtilement reliés entre eux par une distribution transparente baptisée « la faille », en référence au site  où La Boussole a sombré. 

C’est en effet dans cette « faille » que de nombreuses fouilles archéologiques ont permis de mettre au jour une grande quantité d’objets, dont certains permirent l’identification formelle du navire amiral. Ils enrichissent les musées et nos connaissances. C’est également dans cette « faille » que l’association Salomon a découvert en 2003 un squelette complet qui est devenu « l’inconnu de Vanikoro ». Il est emblématiquement le seul naufragé à avoir terminé le voyage jusqu’à Brest où il est inhumé.  L’imagination et le rêve seront captivés par les objets, la scénographie, les photos et les archives présentées. La question de savoir ce que sont devenus les survivants sera évoquée, des pistes existent et doivent être étudiées. En parallèle du musée, la création d’un Institut de recherche, destiné à poursuivre l’esprit de découverte et d’innovation de Lapérouse est évoqué. Il permettra de faire le parallèle avec les travaux des hommes de l’expédition du XVIIIème siècle, et ceux du XXIème. Belle façon de  rendre hommage à l’enfant du pays.

Souhaitons « bon vent » à la Ville d’Albi, pour mener à bien ce magnifique projet.

 

Nouméa, le 14 Décembre 2024 
Raymond Proner
Président de l’ Association Salomon